Après une première partie sur les faits justificatifs, il faut aborder maintenant le vif du sujet, les causes de non imputabilité.
Les causes de non imputabilité
J’ai déjà parlé dans un article précédent de la notion d’élément moral, qui implique à la fois la capacité de comprendre l’acte, puis de le vouloir.
Dans certaines hypothèses, l’agent n’a pas atteint le seuil de compréhension de l’acte (personne atteinte de troubles mentaux par exemple). Dans d’autres, c’est sa volonté qui n’a pas été libre (contrainte ou erreur).
Les causes de non imputabilité se sont exonératoires que vis-à-vis des personnes chez lesquelles elles se trouvent. Pour les co auteurs ou les complices, la responsabilité pénale subsiste.
1) Le trouble psychique ou neuropsychique
Article 122-1 Code pénal :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
Le terme de trouble psychique ou neuropsychique vise toute forme d’aliénation mentale de nature à enlever à l’individu le contrôle de ses actes.
Cela peut concerner une affection de l’intelligence, quelle soit congénitale ou acquise par l’effet d’une maladie (la maladie d’Alzheimer dont serait atteint le Président Chirac par exemple), d’une psychose (schizophrénie par exemple) ou d’autres maladie psychiatrique (paranoïa, érotomanie, etc…).
Pour autant, quelle que soit la forme d’aliénation mentale, elle ne sera exonératoire que dans la mesure où l’infraction aura été commise sous son empire.
Le trouble mental doit exister au moment des faits. Ainsi, la personne atteinte d’un trouble mental mais qui serait dans une période lucide au moment des faits ne pourrait bénéficier de l’exonération prévue à l’article 122-1 du Code pénal.
Il faut noter qu’en droit pénal il n’existe aucune présomption de trouble mental pour les personnes qui, par exemple seraient sous tutelle.
Enfin, le trouble mental n’exclut la responsabilité pénale de l’agent que s’il a aboli le discernement de la personne ou le contrôle de ses actes. La simple altération ou entrave au contrôle des actes ne produit pas d’effet exonératoire.
Le juge peut cependant prendre en considération cette altération dans le cadre de la peine prononcée.
En 2007, la question de la « culpabilité civile » des personnes atteintes de troubles mentaux avait été évoquée par le gouvernement, avant d’être écartée par le Sénat.
Le trouble mental fait, au plan pénal, disparaître la responsabilité de l’auteur. Celui-ci peut donc bénéficier d’une ordonnance de non lieu ou d’une décision de relaxe ou d’acquittement.
Mais la personne atteinte d’un trouble mental demeure civilement responsable de ces actes en vertu de l’article 489-2 du Code civil (de sorte que le simulacre de « procès des fous » prévu en 2007 n’avait aucun sens).
Par ailleurs, si la juridiction pénale estime que l’état mental d’un individu ayant bénéficié d’un non lieu, relaxe ou acquittement nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public, elle peut en aviser immédiatement le préfet de département qui peut prendre sans délai toute mesure nécessaire et notamment une hospitalisation d’office (article L 3213-1 Code de la santé publique).
En ce qui concerne les individus qui, sans être en état de démence complète, souffrent cependant de troubles mentaux altérant de façon sensible leurs facultés intellectuelles, leur responsabilité pénale pourra être engagée, mais les juges pourront tenir compte de leur pathologie quant au choix de la peine et de son régime.
La question de l’emprisonnement des personnes atteintes de troubles mentaux constitue aujourd’hui un enjeu de société majeur. Il est unanimement reconnu, tant par les services pénitentiaires ou d’application des peines, qu’hospitaliers, que les peines d’emprisonnement n’ont aucun effet heureux et entraîne bien souvent une aggravation des troubles mentaux (psychose carcérale notamment).
Enfin, il faut remarquer que la privation de discernement peut résulter d’autres éléments que la démence. Il s’agit notamment des cas de somnambulisme, d’hypnose ou de consommation de substances psycho actives.
En cas de somnambulisme ou d’hypnose, la doctrine considère que la personne n’engage pas sa responsabilité pénale du fait des actes commis en état de sommeil ou par suggestion.
Concernant la consommation de substances psycho actives, la responsabilité pénale de l’individu demeure engagée à raison de la faute consciente commise par la personne au moment de la consommation de la substance et de tels comportements, outre qu’ils sont souvent constitutifs d’infractions spécifiques, constituent systématiquement des circonstances aggravantes de certaines infractions.
2) La contrainte
Article 122-2 du Code pénal :
« N’est pas pénalement responsable la personne qui a agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte à laquelle elle n’a pu résister ».
Il faut distinguer entre la contrainte physique, qui suppose une force exercée sur le corps même de l’agent, qu’elle ait une origine externe (tempête, inondation, fait d’un animal ou d’un tiers) ou interne (malaise brutal du conducteur d’un véhicule qui perd connaissance et provoque un accident) et la contrainte morale.
La contrainte morale est envisagée de manière beaucoup plus stricte que la contrainte physique.
Cette contrainte peut, là encore, être externe (menaces, provocations, …) ou interne (passions, émotions, convictions de l’auteur).
La contrainte morale externe ne sera pas une cause d’exonération de responsabilité si elle ne supprime pas totalement la liberté de l’esprit de l’individu.
Ainsi la crainte révérencielle d’un enfant à l’égard de ses parents à été considérée comme insuffisante par la Cour de cassation.
La contrainte morale interne ne constitue pas une cause d’irresponsabilité pénale selon une jurisprudence constante. Le droit pénal est ainsi parfaitement étranger aux passions et émotions que les individus doivent nécessairement être en mesure de contrôler.
La contrainte, quelle qu’elle soit, n’est exonératoire de responsabilité pénale que dans la mesure où elle est irrésistible, c’est-à-dire lorsque résulte d’un événement que la volonté humaine n’a pu ni prévenir ni conjurer.
La contrainte en droit pénal doit ainsi être rapprochée de la force majeure bien connue des civilistes.
3) L’erreur
Deux types d’erreur peuvent être envisagée : l’erreur de droit et l’erreur de fait.
L’erreur de droit constitue l’unique exception au principe selon lequel « nul n’est censé ignorer la Loi ».
Selon l’article 122-3 du Code pénal : « n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ».
La jurisprudence n’admet l’erreur de droit que lorsque celle-ci est invincible, de sorte que l’individu a pu croire que son acte était légitime. Pour autant, le simple doute sur la légalité de l’acte accomplit empêchera l’erreur de droit d’être retenue (Crim. 10/04/1997, Bull. Crim, n° 140).
L’erreur de fait peut, dans certaines hypothèses être exonératoire de responsabilité pénale.
Il s’agit ainsi de l’erreur qui porte sur les éléments constitutifs de l’infraction ou sur la condition préalable. La doctrine prend ainsi l’exemple du voyageur s’emparant dans un train d’une valise rigoureusement identique à la sienne et dont la responsabilité pénale pour vol ne serait pas retenue (sous réserve néanmoins de sa bonne foi).
Pour autant, l’erreur sur l’identité de la victime est parfaitement indifférente. Ainsi, celui qui souhaite empoisonner sa femme en versant dans son verre un poison quelconque, lequel sera finalement bu par un autre convive, engagera sa responsabilité pénale.
A contrario, le serveur qui porte le plateau contenant le verre empoisonné n’engagera pas sa responsabilité pour empoisonnement dès lors qu’il n’avait aucune connaissance de la présence de poison dans l’un des verres.
Pour autant, sa responsabilité pénale pourrait être recherchée sur le terrain d’une infraction d’imprudence (oui c’est assez vicieux le droit pénal).
En effet, l’erreur de fait est totalement inopérante sur les infractions non intentionnelles (on cite souvent le cas du chasseur qui pensant tirer sur une proie, blesse grièvement un de ses camarades de jeu).